Vincent, 38 ans – un changement de cap

Vincent, 38 ans – un changement de cap


Je m’appelle Vincent, j’ai 38 ans, papa d’une petite fille de 8 ans.

J’ai mené une vie assez classique jusqu’à 30 ans.
J’ai rencontré la femme de ma vie à l’âge de 20 ans. On s’est rapidement installés et on a avancé assez naturellement comme tous les couples : des voyages, des projets, un achat immobilier, un mariage, un enfant, un Scenic et même un golden retriever… 🙂

Je pense que j’ai toujours été attiré par les 2 sexes, du plus loin que je m’en souvienne. Enfant, je ne me suis pas vraiment questionné, j’étais déjà tombé amoureux de quelques filles et j’avais eu ce que je pensais être de forts sentiments d’amitié pour quelques copains.
A l’adolescence, j’ai senti que certains garçons pouvaient me plaire mais cela ne m’a pas vraiment perturbé. J’ai grandi dans un milieu clairement pas tolérant (mère témoin de Jéhovah, famille italienne assez fermée…). Je me suis dit inconsciemment que probablement tout le monde pouvait avoir ce genre de désirs et que cela resterait un fantasme.
De toute façon, adolescent, je doutais tellement de moi que je ne pensais même pas avoir de vie sexuelle ! Si déjà je pouvais trouver une fille ça aurait été un bon miracle et je m’en serai contenté 🙂
Du coup, à cette période, je ne ressentais aucun besoin à me rapprocher des garçons, ce n’était même pas un sujet. Attiré majoritairement par les femmes, il était évident que je me tournerai vers elles
(aujourd’hui je peux dire avec le recul que c’était totalement refouler ma bisexualité). Je pense que ça aurait été totalement différent si j’avais été homosexuel et j’aurai du me confronter à moi même bien plus tôt.
Je me dis que c’est surement le piège de la bisexualité refoulée, on peut facilement se mentir à soi-même en ne regardant qu’une partie des choses en face.
On m’a parfois demandé si j’étais homo. je répondais évidement : non, simplement car j’aimais les femmes.

Premier coup de cœur pour un homme

Au lycée, je suis tombé amoureux d’un pote. Je ne lui ai jamais dit. C’était horrible, je le côtoyais tous les jours, je fantasmais sur lui la nuit, j’étais même heureux quand je rêvais de lui car au moins dans mes rêves c’était possible ! On s’est perdu de vue après le bac et j’ai commencé à flirter avec des filles. A partir de là j’étais plutôt bien. Belle période de découverte… 🙂
Ensuite j’ai rencontré l’élue de mon cœur et j’ai eu la vie de couple que je voulais avoir, avec une femme, une vie sexuelle plutôt épanouie même si j’étais souvent plus en demande^^

Quand ça commence à déraper…

Arrivé à la trentaine, je pense que je me suis confronté à une petite crise existentielle que j’ai gérée en solo (mauvaise idée).
Je sentais que plus les années passaient et plus je désirais les mecs, tout en continuant à regarder les femmes.
Je regardais aussi un peu de porno gay de temps en temps, plutôt soft. je mourrais d’envie de toucher un homme, mais ça me dégoutait à la fois, sans parler même de pénétration qui me semblait inconcevable.
La tentation devenait trop forte et comme tout mec un peu lâche, surtout quand l’usure du couple s’installe de façon chronique, j’ai fait quelques rencontres occasionnelles sans en parler à ma femme.
Evidement un jour, elle l’a découvert et ça a été la descente aux enfers pour tout le monde.
J’ai du faire un premier coming out forcé, que j’ai limité à quelques personnes. Bien dur d’assumer devant les autres ce qu’on assume pas soi-même, et dur aussi pour l’entourage de découvrir soudainement qui je suis.

On a fini par se séparer, ce n’était pas la seule raison mais c’était clairement dans la balance. Egoïstement, j’aurai souhaité qu’elle m’accepte et qu’on trouve un équilibre. Avec le recul je pense que c’était une mauvaise idée.

S’en suit une belle période de liberté…

La honte et la culpabilité sont restées mais la liberté est arrivée, et j’en ai bien profité ! A partir de là, j’ai pu expérimenter tout ce que je voulais sans contrainte, aussi bien avec des femmes ou avec des hommes. Cette période a duré 4 ou 5 ans, pleine de découvertes et de rencontres en tous genres, des bonnes et des mauvaises !
j’ai eu quelques petites histoires aussi. Très vite j’ai réalisé qu’aucun sexe ne pourrait me combler. Je sais que j’aime les deux, ce n’est pas une transition du féminin vers le masculin comme certains tentent de se justifier la bisexualité. Les bisexuels ne sont pas non plus des hommes ou des femmes qui n’assument pas leur homosexualité, ce sont des personnes qui aiment les deux sexes.
Personnellement, je me suis simplement et progressivement autorisé à aimer les hommes, mais cela n’enlève en rien mon attirance physique pour les femmes.

…puis le questionnement

Je sortais de 13 années de vie de couple, je n’avais pas du tout envie de me remettre en couple, mais au bout de quelques années de célibat, les copains, les collègues commençaient à me questionner, ils ne comprenaient pas pourquoi je n’avais personne;
Je répondais que je n’arrivais pas à me poser (ce qui était vrai) que la vie de couple m’avaient usé (ce qui était vrai aussi).
En réalité, je me heurtais finalement à un choix impossible : choisir un sexe, un homme ou une femme.
Plus le temps passait et plus cette question me hantait. Quelle stabilité j’allais bien pouvoir trouver ? Quelle sera la suite ? Je voulais quand même me tourner vers autre chose que des sex friend, même si je ne refusais pas un peu de bon temps. Quand je cherchais d’autres types de rencontres, plus sérieuses, beaucoup fuyaient quand j’annonçais que j’étais bi et que je ne m’imaginais pas faire un choix. Et en même temps, je ne voulais pas mentir.
Comment trouver quelqu’un de compatible et comment m’épanouir moi-même au milieu de ces désirs ? ça me semblait réellement de moins en moins possible.
Je sentais aussi qu’il était compliqué voir dangereux de me remettre durablement avec une femme. En me cherchant ces années, j’ai pu sentir que je développais une plus forte sensibilité émotionnelle avec les garçons ainsi qu’une meilleure complicité. Au fond de moi, je savais que je voulais vivre une histoire avec un homme. J’ai mis beaucoup de temps à l’accepter, à renoncer aussi à un désir d’enfant.
A chaque fois que je rencontrais une fille et que ça pouvait devenir sérieux, je sentais s’installer la frustration de ne pas avoir pu développer de relation avec un homme.
A chaque fois que je commençais à voir un garçon régulièrement, s’installait le manque de la douceur d’une femme.
A force de papillonner, même sérieusement, j’ai fini par avoir une IST, sans gravité mais cela m’a marqué. Sur la symbolique, je ne pouvais pas continuer ainsi.
J’en ai fini par être dégouté du sexe à un moment donné. Je ne voulais plus être bi (dailleurs, j’en ai jamais voulu de cette bisexualité !), j’aurai préféré être homo ou hétéro. Aucun de mes amis ne se posait autant de questions sur sa sexualité et moi à 35 ans, j’étais un plein doutes, pire qu’un gamin de 13 ans.

Une rencontre vient évidemment tout changer

Progressivement, j’ai eu des rencontres qui m’ont fait évoluer et m’ont permis de voir les choses différemment. Il a manqué un peu d’envie et probablement d’amour de mon coté pour que ça fonctionne, ces rencontres ont énormément compté dans mon évolution.

Puis, il y a quelques mois j’ai rencontré Pierre. Ca a été un coup de foudre (physique, sentimental, sexuel..), déstabilisant, puissant…
Soudainement, tout ce que je n’avais pas pu vivre jusqu’alors devenait possible.
Ca a été un ascenseur émotionnel qu’il m’était impossible de cacher. J’avais envie de crier mon amour, mais je ne pouvais pas car j’avais cloisonné des pans entiers de ma vie encore à une majorité de mon entourage.
Pas d’autre possibilités, j’en ai parlé à quelques amis, puis d’autres et encore d’autres, cette fois-ci en l’assumant.
La majorité l’a très bien accueilli, ma fille la première et depuis, tout est devenu tellement plus limpide. Les cloisons sont tombées.

L’équilibre que j’ai trouvé aujourd’hui


On en est qu’à quelques mois d’histoire, difficile encore de parler d’équilibre, je sais qu’il n’est pas commun et qu’il nous convient globalement tous les deux, au moins pour un temps.
On ne vit pas sous le même toit, chacun chez soi, lui a sa vie et son indépendance, moi ma fille une semaine sur deux et ma liberté. On se voit pour les bons moments, on sait qu’on peut compter l’un sur l’autre et c’est déjà pas mal.
Célibataires en couple, voilà ce que l’on est. Ca nous convient.
Pour le moment, même si on ne s’est pas juré fidélité, je ne recherche pas d’autres relations et je préfère passer du temps avec lui.
Probablement, plus tard, je ne refuserai pas de temps à autre la présence d’une femme, ça reste à voir.
Quand aux projets de vie, j’ai mes projets personnels et on verra bien ce qu’on aura envie de partager à 2.
J’aurai souhaité d’autres enfants, probable que cela n’arrivera pas, j’ai fini par l’accepter aussi même si cela reste présent quelque part dans un coin de ma tête. Je m’estime finalement déjà assez chanceux d’avoir une fille.

Peu importe combien de temps dure cette histoire, je sais qu’un équilibre est possible, il faut s’écouter et s’écouter encore pour ne pas être déçu ou aigri. L’autre n’y est pour rien. A nous d’être honnête d’abord envers nous-même pour l’être avec l’autre, c’est la leçon que je retiens.

Pourquoi je ne peux pas choisir ?


On me demande souvent ce que j’aime chez les femmes et les hommes et pourquoi je ne peux pas choisir.
J’aime les femmes pour leur coté féminin et les hommes pour leur coté masculin.
Même si je n’ai absolument rien contre eux, je n’ai pas d’attirance pour les hommes trop efféminés ou les femmes trop masculines, finalement, je suis peut être un peu fermé !
J’aime les pâtes parce que ce sont des pâtes et j’aime le chocolat car c’est du chocolat. Ce sont mes gouts, je n’y peux rien. Je ne peux pas me forcer à apprécier ce que je n’apprécie pas ni ne plus aimer ce que j’aime.
Etre bisexuel ne veut pas dire forcément volage, je pense qu’on peut avoir des passages de sa vie avec des orientations changeantes. Je sais juste que je ne peux pas promettre à qui que ce soit l’attachement exclusif à un seul sexe.
Ce serait comme si on me demandait de renoncer « à vie » à ma sexualité ou comme si on demandait à un hétéro d’avoir du sexe sans pénétration à vie alors qu’il en a envie. Vous accepteriez ? Probablement pendant un temps mais pas toute une vie.

Un conseil à donner ?


Comme beaucoup, je ne suis pas sur un chemin très linéaire, toujours en découverte, je ne sais pas bien de quoi sera faite la suite ni si ma vérité peut convenir à d’autres.
Lorsque je regarde mon histoire et si je devais donner quelques conseils, ce serait d’apprendre à s’écouter, se faire confiance et vivre sa vie peu importe le regard des autres.
j’aurai pu gagner des années en assimilant réellement ceci. C’est très facile à dire, pas simple à appliquer.
Il est intéressant d’échanger avec d’autres bi, des gays, des lesbiennes etc, lire des bouquins, regarder des films, écouter des podcast pour petit à petit voir des situations de vie et s’ouvrir au champ des possibles, accepter qu’on y a droit.
Un psychologue peut aussi aider ou s’avérer indispensable dans certaines situations pour aller de l’avant et trouver sa propre recette du bonheur.
On n’est pas obligés d’étaler nos vies à tout le monde mais l’important est de vivre celle qui nous rendra le plus heureux, nous et notre entourage, en nous confrontant à nos propres incohérences. Nous sommes tous différents et il n’y a pas de mode d’emploi, c’est la beauté et la richesse de la nature. Dites-vous que dans la nature tout est possible et qu’il n’y a pas de mal à aimer. Il faut le faire honnêtement et en toute transparence avec les personnes qui sont concernées.


One thought on “Vincent, 38 ans – un changement de cap

  1. Bonjour Vincent,
    Je tombe par hasard (?) sur ton témoignage et cela me touche, car je vis une bonne partie de ce que as vécu et cela m’éclaire sur moi-même… Merci donc !
    Philippe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de confidentialité, ainsi que les Conditions de service Google s’appliquent.

Suivez-nous !